L'effet " f "
Combien de «f» comptez-vous dans cette phrase ?
(Les dossiers terminés résultent d’années d’études scientifiques ainsi que d’années d’expérience.) Combien en trouvez- vous ? La plupart des gens en trouvent trois. En fait, il y en a six!
Le fait que la plupart des gens voient trois «f» et non six peut sembler étrange quand on ne sait pas que la lecture n’est pas entièrement phonétique. En réalité, plusieurs méthodes sont employées pour extraire du sens de ce qui est imprimé, et la plus commune n’a pas grand-chose à voir avec les lettres et les sons qui leur sont associés.
Un lecteur est familiarisé avec de nombreux mots, spécialement les plus courts, comme «of». Ces mots ne sont dès lors plus perçus à la lecture comme un ensemble de sons séparés. Les «f» des mots plus longs et compliqués sont donc comptés, mais pas ceux des «of».
Un garçon de 7 ans bien éveillé ou un relecteur professionnel verra bien six «f», parce qu’ils ont été entraînés à donner une valeur égale à tous les mots.
Quand on apprend à lire vite, on sélectionne les mots les plus importants, laissant au cerveau le soin de combler les manques. Plus on lit, plus on manque de mots, et on peut assez facilement arriver à lire plus de 600 mots par minute. Évidemment, un texte scientifique implique une lecture plus lente.
Un lecteur rapide se concentre sur les mots les plus importants, généralement des noms et des verbes. Adjectifs et adverbes viennent ensuite, suivis des articles, pronoms et prépositions. Les lecteurs expérimentés tiennent moins compte des mots les moins importants qui, en anglais et en français, sont souvent très courts. Voilà pourquoi les «of» ne sont pas retenus dans le comptage.
J’ignore ce que cela donnerait en chinois ou en japonais, langues dont l’écriture est très différente.
J’ai fait ce test sur un collègue de travail, avec des variantes de ce texte. L’une comportait deux «of», chacun à la fin d’une ligne. Mon ami les a repérés, mais pas le troisième. Je pense donc que le placement des «of» influe sur leur lisibilité.
Évidemment, un lecteur non anglophone devrait avoir moins de mal à repérer les «f».
J’ai lu dans un livre sur les illusions d’optique que les gens ne voient que trois «f» parce que, dans «of», «f» se prononce « v» ; alors, le cerveau ne le compte pas comme «f».
Non seulement je n’ai vu que trois «f», mais j’ai continué à n’en voir que trois après avoir lu la réponse. Ma femme, elle, en a vu six en première lecture.
Je suis professeur d’anglais, et elle est professeur de maths.
Voilà la différence. Essayant de saisir le sens du message, j’ai oublié les «of» ; ma femme, ne faisant que ce qui est demandé, les a tous comptés. Là où elle voit un ensemble de lettres, je vois des phrases ayant un sens.
La césure de la phrase avec des tirets joue aussi un rôle en conviant le lecteur à déchiffrer la signification du message, plutôt qu’à compter les lettres, ce qui est la tâche demandée.